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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

mes petits tableaux : le Tigre et le Serpent[1], le Samaritain[2], et travaillé à mon esquisse de mon plafond de l’Hôtel de ville[3].

— Halévy disait qu’on devrait écrire, jour par jour, ce qu’on voit et ce qu’on entend, Il l’a essayé plusieurs fois comme moi, et il en a été dégoûté par les lacunes que l’oubli ou les affaires vous forcent à laisser dans votre journal…

Se rappeler l’histoire de l’homme qui mettait son doigt dans tous les trous, et que cette singularité avait fait remarquer. Il se trouva, sans beaucoup de titres, porté sur une liste de gens de la Cour qui sollicitaient un régiment. Louis XV, en voyant son nom, demande : « Est-ce ce gentilhomme qui met son doigt dans les trous ? — Oui, Sire ! — Eh bien, je lui donne le régiment. »

Lundi 9 février. — Soirée chez M. Devinck[4]. J’ai trouvé là M. Manceau, qui m’a entretenu longuement du conseil municipal[5]. Ces gens-là ont l’air de croire

  1. Voir Catalogue Robaut, no 1023.
  2. « Le voyageur est couché à terre demi-nu ; le Samaritain, vêtu d’un manteau rouge, se penche vers lui, tandis que son cheval broute l’herbe derrière eux : au fond, le prêtre qui passe sans s’arrêter. » (H. de la Madelène, Eugène Delacroix à l’Exposition du boulevard des Italiens.)
  3. Voir Catalogue Robaut, nos 1118 et 1119.
  4. Devinck, industriel, ancien président du tribunal de commerce, membre du conseil municipal de Paris.
  5. Delacroix était, parait-il, très fier de sa fonction de conseiller municipal. C’était là une de ces faiblesses communes à presque tous les grands hommes, et qui les poussent à chercher une application de leurs hautes facultés, en dehors du domaine où elles s’exercent naturellement. Mme Riesener, aux souvenirs de laquelle nous avons fait appel, nous