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Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/123

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

la maison à ne rien faire, à raisonner avec elle et à dormir en attendant le dîner. Au demeurant, bonne vie ; le spectacle de ce port est à tout instant une distraction agréable.

Le soir, après avoir dormi encore, à la jetée. Temps de chien ; on ne jouit que des mugissements de la mer, car on ne voit que de l'écume sur un fond obscur. Nous attendons en vain le bateau à vapeur. La veille, il avait eu des avaries en entrant et avait donné des inquiétudes. Quelle rage pousse ces animaux à voyager justement la nuit, par une mer furieuse, exposés doublement à manquer le port, avec toutes les conséquences de cet accident ? Il faut être Anglais, et malheureusement nous le devenons, pour avoir cette méthodique frénésie ; plutôt que de perdre une heure, c’est-à-dire de respirer, de manger, de vivre à son aise pendant cette heure. Le temps perdu pour eux est celui qu’ils donnent à vivre tranquilles ou à s’amuser.

En repassant sur le port, j’examine encore les bateaux qui s'élèvent et s’abaissent avec le flot.

13 octobre. — J'écris à Mme de Forget :

« J’ai revu aussi avec plaisir le Midi, non pas la Provence, ni le Languedoc, mais le Périgord, l’Angoumois, pays chers à mon enfance et à ma première jeunesse, et qui sont le Midi sous beaucoup de rapports. J’y ai retrouvé des sensations de cet heureux temps et qui m’ont rappelé des êtres aimés et dispa-