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Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/158

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

là où les anciens n’en mettaient pas. Les Anglais, les Germaniques nous ont toujours poussés dans cette route. Shakespeare est très raffiné. En peignant avec une grande profondeur de sentiment que les anciens négligeaient ou ne connaissaient même pas, il découvrit tout un petit monde de sentiments qui sont chez tous les hommes de tous les temps à l'état confus et qui ne semblent pas destinés à arriver à la lumière, ou à être analysés, avant qu’un génie particulièrement doué ait porté le flambeau dans les coins secrets de notre âme. Il semble qu’il faut à l'écrivain une érudition prodigieuse ; mais on sait combien il est facile de prendre le change à ce sujet, et ce qu’il y a de réel sous cette apparence de science universelle.

22 avril. — Rossini est venu dans la journée.

23 avril. — Chez Rossini, à neuf heures et demie. Musique. Vivier[1], Bottesini[2], et une dame qui a joué des morceaux de Rameau pour piano.

2 mai. — Se rappeler l’histoire de la Toison d’or, réelle, c’est-à-dire la manière actuelle encore de recueillir l’or dans le Pactole, et les lieux où s’est passée la fable de Jason : peaux de mouton noir atta-

  1. Eugène Vivier, qui s’est placé au premier rang des cornistes de son époque.
  2. Giovanni Bottesini, contrebassiste italien, qui n’eut pas de rival comme virtuose. Il était en 1856 chef d’orchestre au Théâtre-Italien.