Aller au contenu

Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
192
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

des beaux ouvrages, qui étaient dans les familles comme des titres de noblesse… Ces corporations de marchands commandaient des travaux qui effrayeraient les souverains de nos jours et des artistes de taille à accomplir toutes les tâches… Déjà moins de cent ans après, le Poussin ne fait que de petits tableaux.

Il faut renoncer à imaginer même ce que devaient être des Titien dans leur nouveauté et leur fraîcheur[1]. Nous voyons ces admirables ouvrages après trois cents ans de vernis, d’accidents, de réparations pires que leurs malheurs…

4 janvier. — Les Cyclopes préparant l’appartement de Psyché. (Contrastes, Vénus ou Psyché est là, etc.)

On ne peut nier que dans le Raphaël l'élégance ne l’emporte sur le naturel, et que cette élégance ne dégénère souvent en manière. Je sais bien qu’il y a le charme, le je ne sais quoi. (C’est comme dans Rossini : Expression, mais surtout élégance.)

Si l’on vivait cent vingt ans, on préférerait Titien à tout. Ce n’est pas l’homme des jeunes gens.

  1. Se rappeler que dans un autre passage du Journal, directement opposé à l’opinion de ceux qui considèrent comme un bienfait la patine du temps, Delacroix déclare que les maîtres ne reconnaîtraient point leurs chefs-d'œuvre dans les croûtes enfumées que nous voyons aujourd’hui. Ceci s’accorde parfaitement d’ailleurs avec les doléances qu’il répétait souvent, au dire de ceux qui l’ont connu, sur la fragilité de la peinture.