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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Véronèse et même du Tintoret[1] sont des exemples de la verve unie à la puissance, aussi bien que dans les fresques les plus célèbres : ils montrent seulement une autre face de la peinture. Le perfectionnement des moyens matériels, en perdant peut-être du côté de la simplicité de l’impression, découvre des sources d’effets de variété et de richesse, etc…

Ces changements sont ceux qu’amènent nécessairement le temps et des inventions nouvelles : il est puéril de vouloir remonter le courant des âges et d’aller chercher dans des maîtres primitifs. Ils semblent croire que l’indigence du moyen est sobriété magistrale, etc…

La fresque dans nos climats est sujette à plus d’accidents. Encore dans le Midi est-il bien difficile de la maintenir. Elle pâlit, elle se détache du mur.

La plupart des livres sur les arts sont faits par des gens qui ne sont pas artistes[2] : de là tant de fausses notions et de jugements portés au hasard du caprice et de la prévention. Je crois fermement que tout homme qui a reçu une éducation libérale peut parler pertinemment d’un livre, mais non pas d’un ouvrage de peinture ou de sculpture.

Dimanche 11 janvier. — Essais d’un Dictionnaire

  1. Voir notre Étude, p. xlix et l.
  2. Delacroix ne voulait pas seulement indiquer par là les gens qui n’ont point de compétence technique dans chaque art individuel, mais surtout ceux qui n’ont pas le sentiment profond et vivace de la Beauté, c’est-à-dire ce qui ne saurait s’acquérir.