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Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/231

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Il ne faut pas tout montrer. Il semble que ce soit difficile en peinture, où l’esprit ne peut supposer que ce que les yeux aperçoivent. Le poète sacrifie sans peine ou passe sous silence ce qui est secondaire. L’art du peintre est de ne porter l’attention que sur ce qui est nécessaire.

Sacrifices. Ce qu’il faut sacrifier. Grand art que ne connaissent pas les novices ; ils veulent tout montrer.

Classique. A quels ouvrages est-il plus naturel d’appliquer ce nom ? C’est évidemment à ceux qui semblent destinés à servir de modèles, de règles dans toutes leurs parties. J’appellerais volontiers classiques tous les ouvrages réguliers, ceux qui satisfont l’esprit, non seulement par une peinture exacte, ou grandiose ou piquante, des sentiments et des choses, mais encore par l’unité, l’ordonnance logique, en un mot par toutes ces qualités qui augmentent l’impression en amenant la simplicité.

Shakespeare, à ce compte, ne serait pas classique, c’est-à-dire propre à être imité dans ses procédés, dans son système. Ses parties admirables ne peuvent sauver et rendre acceptables ses longueurs, ses jeux de mots continuels, ses descriptions hors de propos. Son art, d’ailleurs, est complètement à lui.

Racine était un romantique[1] pour les gens de

  1. Il nous a paru intéressant de rapprocher de ce fragment de Delacroix un fragment de Stendhal qui nous semble conçu à peu près dans le même esprit. Nous avons d’ailleurs noté déjà dans notre Étude certaines analogies entre eux : « Le Romanticisme, dit Beyle, est l’art de présenter aux peuples les œuvres littéraires qui, dans l'état actuel de