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Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/234

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Rubens, âgé de plus de cinquante ans, dans la mission dont il fut chargé auprès du roi d’Espagne, employait le temps qu’il ne donnait pas aux affaires à copier à Madrid les superbes originaux italiens qu’on y voit encore. Il avait dans sa jeunesse copié énormément. Cet exercice des copies, entièrement négligé par les écoles modernes, était la source d’un immense savoir. (Voir Albert Dürer.)

Chair. Sa prédominance chez les coloristes est d’autant plus nécessaire dans les sujets modernes présentant peu de nu.

Copies, copier[1]. Ç'a été l’éducation de presque tous les grands maîtres. On apprenait d’abord la manière de son maître, comme un apprenti s’instruit de la manière de faire un couteau sans chercher à montrer son originalité. On copiait ensuite tout ce qui tombait sous la main d’œuvres d’artistes contemporains ou antérieurs. La peinture a commencé par être un simple métier. On était imagier comme on était vitrier ou menuisier. Les peintres peignaient les boucliers,

  1. Ceux qui se rappellent l’exposition des œuvres de Delacroix au palais des Beaux-Arts ont conservé le souvenir d’une admirable copie de Raphaël (voir Catalogue Robaut, no 24), merveilleusement significative de l’énergie avec laquelle il avait su dompter sa fougue naturelle pour s’assimiler la manière d’un artiste de tempérament aussi opposé. À propos de cette éducation des peintres par l’étude des maîtres antérieurs, nous trouvons dans un recueil de notes laissées par Burty et publiées par M. Maurice Tourneux l’opinion de Meissonier, qui perdrait à être commentée : la voici dans toute sa franchise : « Dans la journée, je lui demandai s’il avait fait au Louvre des copies peintes. — Jamais ! jamais ! s’est-il écrié. Et puis, d’ailleurs, et le temps de copier la peinture des autres ! » (Croquis d’après nature, par Ph. Burty.)