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Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/255

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Objets polis. Il semble que par leur nature ils favorisent l’effet propre à les rendre en ce que leurs clairs sont beaucoup plus vifs et leurs parties sombres beaucoup plus sombres que dans les objets mats. Ce sont de véritables miroirs ! Là où ils ne sont pas frappés par une vive lumière, ils réfléchissent avec une intensité extrême les parties sombres. J’ai dit ailleurs[1] que le ton même de l’objet se trouvait toujours à côté du point le plus brillant, et ceci s’applique aux étoffes luisantes, au pelage des animaux comme aux métaux polis.

Exécution. La bonne ou plutôt la vraie exécution est celle qui par la pratique, en apparence matérielle, ajoute à la pensée, sans laquelle la pensée n’est pas complète ; ainsi sont les beaux vers. On peut exprimer platement de belles idées.

L’exécution de David est froide ; elle refroidirait des idées plus élevées et plus animées que les siennes. L’exécution, au contraire, relève l’idée dans ce qu’elle a de commun ou de faible.

Imagination[2]. Elle est la première qualité de l’artiste. Elle n’est pas moins nécessaire à l’amateur. Je ne conçois pas l’homme dénué d’imagination et qui achète des tableaux : c’est qu’il a de la vanité en proportion de ce qui lui manque sous le rapport que j’ai dit. Or, quoique cela paraisse étrange, le plus grand nombre des hommes en est dépourvu. Non

  1. Voir t. III, p. 205.
  2. Voir notre Étude, p. xxxviii et xxxix.