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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

ration de la nature, ne put faire école en présence des Coysevox, des Coustou, de toute cette école très considérable elle-même, mais déjà entachée de manière et d’esprit d'école.

Raffinement. Du raffinement dans les époques de décadence. Voir mes notes du 9 avril 1856[1].

Exécution. Son importance. Le malheur des tableaux de David et de son école est de manquer de cette qualité précieuse sans laquelle le reste est imparfait et presque inutile. On peut y admirer un grand dessin, quelquefois de l’ordonnance, comme dans Gérard ; de la grandeur, de la fougue, du pathétique, comme dans Girodet ; un vrai goût antique chez David lui-même, dans les Sabines, par exemple. Mais le charme que la main de l’ouvrier ajoute à tous ces mérites est absent de leurs ouvrages et les place au-dessous de ceux des grands maîtres consacrés. Prud’hon[2] est le seul peintre de cette époque dont

  1. Voir t. III, p. 139 et suiv.
  2. Dans son Étude sur Prud’hon parue à la Revue des Deux Mondes le 1er novembre 1846, voici ce qu'écrivait Delacroix : « On ne refusera pas à Prud’hon une grande partie der mérites qui sont ceux de l’antique. Dans la moindre étude sortie de sa main, on reconnaît un homme profondément inspiré de ces beautés. Il serait hardi sans doute de dire qu’il les a égalées dans toutes leurs parties. Il eût retrouvé à lui seul, parmi les modernes, ce secret du grand, du beau, du vrai, et surtout du simple, qui n’a été connu que des seuls anciens. Il faut avouer que la grâce chez lui dégénère quelquefois en afféterie. La coquetterie de sa touche ôte souvent du sérieux à des figures d’une belle invention. Entraîné par l’expression et oubliant souvent le modèle, il lui arrive d’offenser les proportions ; mais il sait presque toujours sauver habilement ces faiblesses. » (Eugène Delacroix, sa vie et ses œuvres, p. 206 et 207.)