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Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/325

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

L’exemple de ces hommes primitifs est dangereux pour les faibles talents ou pour les inexpérimentés. De grands talents, même à leur début, cèdent facilement à prendre leur propre influence ou les divagations de leur imagination pour l’effet d’un génie semblable à celui de ces hommes extraordinaires. C’est à d’autres grands hommes comme eux, mais qui viennent après eux, que leur exemple est utile, les natures inférieures peuvent imiter à leur aise les Virgile, les Mozart

Cette mobilité est si naturelle aux hommes que les anciens eux-mêmes, dont la grandeur à distance nous semble monotone, présentent peu d’analogies ; leurs grands tragiques se suivent sans se ressembler : Euripide n’a plus la simplicité d’Eschyle, il est plus poignant, il cherche des effets, des oppositions ; les artifices de la composition s’augmentent avec la nécessité de s’adresser à des sources nouvelles d’intérêt qui se découvrent dans l'âme humaine.

C’est comme le travail qu’on voit s’opérer dans l’art moderne. Michel-Ange ne peut appeler au secours de l’effet de ses sculptures l’art des fonds, le paysage qui augmente l’impression des figures dans la peinture ; mais le pathétique des mouvements, la finesse des plans, l’expression deviennent des besoins impérieux de sa passion.

Les plus grands admirateurs, et ils sont rares aujourd’hui, de Corneille et de Racine sentent bien que, de notre temps, des ouvrages taillés sur le modèle