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Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/334

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

et ton humeur si tu en as. Combattons contre nous-mêmes jusqu’au dernier moment ; chaque victoire est douce. Que vous êtes heureux, Monseigneur ! Vous êtes encore jeune et vous n’avez point à combattre. »

De Voltaire au cardinal de Bernis[1] : « Je ne sais, Monseigneur, si notre secrétaire perpétuel a envoyé à Votre Éminence l’Héractius de Calderon, que je lui ai remis pour divertir l’Académie. Vous verrez quel est l’original, de Calderon ou de Corneille. Cette lecture peut amuser infiniment un homme de goût tel que vous, et c’est une chose, à mon gré, assez plaisante. Je vois jusqu'à quel point la plus grave de toutes les nations méprise le sens commun.

« Voici, en attendant, la traduction très fidèle de la Conspiration contre César par Cassius et Brutus, qu’on joue tous les jours à Londres, et qu’on préfère infiniment au Cinna de Corneille. Je vous supplie de me dire comment un peuple qui a tant de philosophie peut avoir si peu de goût. Vous me répondrez peut-être que c’est parce qu’ils sont philosophes ; mais quoi ! la philosophie mènerait-elle tout droit à l’absurdité ? Et le goût cultivé n’est-il pas même une vraie partie de la philosophie ? »

Voici la réponse du cardinal qui se montre, à mon avis, plus homme d’un véritable goût que Voltaire. Celui-ci, — et c'était naturel, tout prévenu par l’habitude de notre théâtre, dans lequel, malgré son génie,

  1. Lettre du 31 mars 1763.