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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

la couleur, etc. Il me demande, pour prolonger la séance, à dîner avec moi ; je saisis cette occasion de passer quelques bons moments. Il va faire une course et revient à sept heures passées, au moment où j’allais dîner tout seul, mourant de faim.

Après notre dîner, nous allons en fiacre chercher une petite qu’il protège, et nous allons voir la tragédie et la comédie italiennes. Il n’est qu’un motif qui puisse engager à aller à un pareil spectacle : celui de se fortifier dans la connaissance de l’italien. Rien n’est plus ennuyeux.

Dumas me disait qu’il était en train de procès qui devaient assurer son avenir, quelque chose comme 800,000 francs pour commencer, sans compter le reste. Le pauvre garçon commence à s’ennuyer d’écrire jour et nuit et de n’avoir jamais le sou. « Je suis au bout », m’a-t-il dit, « je laisse à moitié faits deux romans… je m’en irai, je voyagerai et je verrai, à mon retour, s’il s’est rencontré un Alcide pour achever ces deux entreprises imparfaites. » Il est persuadé qu’il va laisser, comme Ulysse, un arc que personne ne pourra bander ; en attendant, il ne se trouve pas vieilli et agit, sous plusieurs rapports, comme un jeune homme. Il a des maîtresses, les fatigue même ; la petite que nous avons été prendre pour aller au spectacle lui a demandé grâce ; elle se mourait de la poitrine, au train dont il y allait. Le bon Dumas la voit tous les jours en père, a soin de l’essentiel dans le ménage, et ne s’inquiète pas des délas-