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Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/408

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

lisme judicieux et savant, également éloigné de l’imitation servile et d’un idéal vide et chimérique. Chose singulière ! le plus méthodique des hommes, celui qui parmi les maîtres de ce temps s’est le plus occupé des procédés d’exécution, qui les a enseignés avec une telle précision que les ouvrages de ses meilleurs élèves sont tous les jours confondus avec les siens, cet homme, dont la manière est si caractérisée, n’a point de rhétorique[1]. Toujours attentif à la nature, la consultant sans cesse, il ne s’imite jamais lui-même ; le plus savant des maîtres en est aussi le plus naïf, et il s’en faut que ses deux émules, Michel-Ange et Raphaël, méritent au même degré que lui cet éloge.

6 avril. — J’ai été aujourd’hui à Saint-Sulpice. Boulangé n’avait rien fait et n’avait pas compris un mot de ce que je voulais. Je lui ai donné l’idée des cadres en grisailles[2] et de la guirlande, le pinceau à la main et avec furie. Chose étonnante ! je suis revenu fatigué et non énervé. Il me semble que c’est l’entrée en scène de la santé après tant de petites rechutes.

7 avril. — A Saint-Sulpice, où Boulangé ne m’attendait pas. Cet infâme coquin ne vient pas, ne tra-

  1. On se rappelle ce que Delacroix entendait par cette expression de rhétorique appliquée aux ouvrages de l’esprit. Nous avons longuement insisté sur ce point dans notre Étude, p. xxxii.
  2. Il s’agit ici d’ornements en grisailles qui servent de lien entre le plafond ovale et les écoinçons dans lesquels sont peints des anges en grisaille. (Voir Catalogue Robaut, p. 362 et 363.)