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Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/59

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

— faire beaucoup de frais pour en attirer et qui éprouvent véritablement du plaisir à leur conversation.

La bonne princesse est ainsi : quand elle a reçu ou visité elle-même ses connaissances du monde, elle a de petits jours où elle aime à voir des peintres et des musiciens. Plusieurs de ces dames-là ont un amant dans toutes les classes possibles, afin de connaître tous les genres de mérite.

19 juin. — Je reçois, le soir en dînant, la lettre d’Eugène de Forget qui m’annonce la mort de Mme de Lavalette[1].

Paris, 20 juin. — Parti à six heures et demie. Je me fais conduire chez Mme de Forget, ignorant à quelle heure se faisait le convoi. Je la trouve affligée. Je lui parle de l’idée inconvenante de faire la cérémonie dans une petite église qui n’est qu’une sorte d’annexe. Ni Eugène, à qui j’en parle, ni elle, ne comprennent grandement combien il fallait au contraire donner d’éclat à cet hommage public, qui a été si peu public que j’ai été honteux du peu d’empressement, de la tenue cavalière des assistants.

  1. Mme de Lavalette s’était rendue célèbre par l’énergie et le dévouement dont elle avait fait preuve pour sauver son mari, le comte de Lavalette, condamné à mort par la cour d’assises de la Seine, pour s’être emparé de l’administration des Postes, au retour de l’île d’Elbe. Elle avait pénétré dans sa prison, après l’arrêt des assises, et s’était substituée à lui. Lorsqu’il apprit l’évasion du condamné, Louis XVIII ne put s’empêcher de dire : « De nous tous, Mme de Lavalette est la seule qui ait fait son devoir. »