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Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/64

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

fruits dans mon esprit. Je revois ce Vallak que j’ai vu à Londres il y a trente ans juste, peut-être jour pour jour (car j’étais là au mois de juin), dans le rôle de Faust. La vue de cette pièce fort bien arrangée, toute défigurée qu’elle était, m’avait inspiré l’idée de faire des compositions lithographiées[1]… Terry, qui faisait le diable, était parfait.

Je trouve là Mareste qui ne reste que jusqu’au deuxième acte, et ensuite Grzymala.

Champrosay, 30 juin. — À neuf heures du matin, au Jury. Je revois Cockerell[2] et Taylor[3], vieilles con-

  1. Delacroix fait allusion à la série des compositions lithographiées qu’il exécuta sur le Faust en 1827 et qui eurent l’honneur de fixer l’attention du vieux Gœthe. « M. Delacroix, dit Gœthe, dans ses conversations avec Eckermann, est un grand talent, qui a dans Faust précisément trouvé son vrai aliment. Les Français lui reprochent trop de rudesse sauvage, mais ici elle est parfaitement à sa place. — De tels dessins, reprend Eckermann, contribuent énormément à une intelligence plus complète du poème. — C’est certain, dit Gœthe, car l’imagination plus parfaite d’un tel artiste nous force à nous représenter les situations comme il se les est représentées à lui-même. Et s’il me faut avouer que M. Delacroix a surpassé les tableaux que je m’étais faits des scènes écrites par moi-même, à plus forte raison les lecteurs trouveront-ils toutes ces compositions pleines de vie et allant bien au delà des images qu’ils se sont créées. » (Conversations de Gœthe.}
  2. Charles-Robert Cockerell (1788-1853), architecte anglais. Il avait dans sa jeunesse parcouru l’Orient, et pratiqué à Égine et à Olympie des fouilles qui lui permirent de découvrir les beaux marbres dits phigaléens qui se trouvent actuellement au British Muséum. À Naples, à Florence, à Rome, il exécuta d’importants travaux de reconstitutions archéologiques qui le rendirent rapidement célèbre. Membre de l’Académie d’architecture d’Angleterre, il fut nommé également membre associé de l’Institut de France. À Rome, il s’était lié d’intime amitié avec Ingres et les autres artistes français de la Villa Médicis.
  3. Baron Taylor (1789-1879), auteur et artiste, commissaire royal près le Théâtre-Français en 1824, explorateur et archéologue, inspec-