Page:Delacroix - Lettres, éd. Burty, 1878.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

i 8 r g. — A M. PIERRET. 3 ! sans nombre. Nous voici cependant rendus, et depuis long- temps, ce qui fait ma honte quand je pense que depuis tout ce laps, je ne t’ai point encore demandé de tes nouvelles... A PIERRET. (Sui- le timbre) : 22 septembre 1819. ... Tu enviais peut-être mon sort quand tu m’as vu partir pour la campagne. L’ennui nous poursuit partout. Je ne suis vraiment heureux ici que lorsque je m’exerce sur différentes choses ou que je lis. Certes, ce n’était pas la peine de faire cent vingt lieues pour se procurer ces jouis- sances. Il est vrai que malgré moi je respire un air vif, trop vif peut-être, car je ne suis pas à mon aise comme je l’aurais espéré. Décidément la chasse est une chose qui ne me con- vient pas. Quand je tue quelque chose, je trouve cela char- mant et je suis tout ardeur pendant quelques instants ; la fatigue de plusieurs heures disparaît et s’oublie. Mais autre- ment, quand il faut se traîner et avec soi une arme lourde et incommode à porter à travers les ronces, les branches dans le visage, la terre labourée qui entre dans les souliers et s’a- masse au-dessous en semelle de plomb, les vignes dont les rameaux entrelacés embarrassent et font trébucher, tout cela est bien véritablement ce qu’on peut appeler assommant. Et puis voilà encore à mon avis, le plus grand inconvénient. Il s’agit d’avoir, pendant des heures qui ne finissent point, l’esprit dirigé vers un objet qui est d’apercevoir le gibier. La moindre inadvertance, la plus légère distraction vous font perdre le fruit d’un temps infini de patience et d’attention ; et le gibier habile à profiter de la négligence du chasseur le