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LA VIE DE SON ESPRIT

nationaux, à comparer leurs séductions, les éléments dont leur technique dispose, avec ce que lui a mis dans l’esprit la prosodie latine.

C’est ainsi qu’il devient le rimeur formidable de Bateau ivre. C’est ainsi qu’il trouve le moyen d’avoir la rime riche en même temps que brillante, inattendue, frappante :

Comme je descendais les fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus tiré par les hâleurs.
Des peaux rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

Mais, dans le même chef-d’œuvre, ce que Virgile donne et impose au poète français apparaît plus évident encore, l’action de Rome surgit plus éclatante par l’action de ce rythme latin[1] que nos poètes avaient

  1. Un des procédés virgiliens que l’élève d’Izambard devait remarquer, étudier tout d’abord, le rejet, avait été introduit dans notre poésie surtout par Hugo, qui du reste en rendit hommage à qui de droit :

     « Ô Virgile, ô mon maître !… »

    Mais je ne crois pas qu’aucun poète moderne s’en soit servi avec autant d’habileté que Rimbaud et en