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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

Par ces brillantes découvertes, le Soleil est enfin mis à la place que Copernic aurait voulu lui assigner, et dont il avait été contraint de le repousser lui-même. Le Soleil ne pouvait être au centre commun des orbites circulaires, mais il peut occuper un foyer commun à toutes les ellipses planétaires. C’est à ce foyer qu’il faut rapporter tous les mouvemens, et c’est de ce point qu’il faut compter les distances. Les plans de toutes ces ellipses s’entrecoupent au centre du Soleil, toutes les lignes des nœuds passent par ce même centre. Par des moyens ingénieux et nouveaux, Képler détermine les inclinaisons des différentes orbites avec l’écliptique et le problème qui donne la position apparente d’une planète pour un instant quelconque ; ce problème, calculé tous les jours par tous les astronomes, depuis Ptolémée jusqu’à Tycho, est pour la première fois résolu exactement par Képler, qui sur ce point ne put jamais se faire comprendre, ni de Tycho ni de Longomontanus.

C’est en cherchant à ramener tous les mouvemens à des causes physiques, que Képler a été conduit à ces lois fondamentales, dont jamais aucun astronome ni aucun géomètre n’avait soupçonné l’existence. En plaçant le Soleil au centre de l’univers, il sentit qu’il devait en faire la source et la règle principale de tous les mouvemens. Il lui donna une masse capable d’attirer et de mouvoir toutes les planètes. Il osa dire que le Soleil tournait sur lui-même en moins de trois mois, longtemps avant que Galilée eût observé cette rotation, dont il réduisit la durée apparente à celle d’un mois lunaire. Képler vit que la pesanteur universelle devait être la loi de la nature ; il établit les axiomes fondamentaux de la Physique céleste. Par une distraction, ou plutôt par une préoccupation difficile à concevoir, il crut que l’attraction devait décroître en raison de la simple distance ; quoi qu’il eût solidement établi que l’intensité de la lumière diminuait en raison des surfaces sur lesquelles elle se distribue, c’est-à-dire en raison du carré de la distance. Boulliaud lui reprocha cette distraction, quarante ans avant que Newton eût rien écrit sur ce sujet. Au lieu de rectifier Képler, Boulliaud se prévalut de cette erreur palpable, pour rejeter toutes ses idées, qui n’ont été dignement et généralement appréciées que depuis qu’elles ont été démontrées par Newton. La loi des carrés aurait pu guider le législateur de l’Astronomie, dans quelques discussions où il s’est laissé aller à des suppositions qui ne sont pas d’une Physique assez exacte ; mais dans l’état où était alors la science analytique, cette loi ne l’eut pas conduit bien loin. Ces taches n’empêchent pas que le livre sur Mars ne soit le code des astronomes et des géomètres.