Page:Delambre - Histoire de l'astronomie moderne, tome 1, 1821.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
vi
DISCOURS PRÉLIMINAIRE

son planétaire, il se range à l’opinion commune, qui fait de la Terre le centre unique de tous les mouvemens. D’un autre côté, Plutarque nous apprend que l’idée d’Aristarque était une simple hypothèse ou conjecture, qui depuis avait été démontrée par Seleucus[1] ; mais aucun auteur ne nous a transmis cette démonstration. Sénèque nous dit qu’il importe d’examiner si la Terre est immobile au centre du monde, ou si le ciel étant immobile, la Terre tourne sur elle-même… Si Dieu fait tourner tout autour de nous, ou s’il nous fait tourner nous-mêmes. On s’attend que Sénèque va nous détailler les raisons qu’on peut alléguer en faveur de l’une et de l’autre opinion ; qu’il va nous dire au moins celle qui lui paraît plus vraisemblable, mais il abandonne brusquement cette question intéressante pour disserter sur la nature des comètes.

Aristote est le seul qui nous explique les motifs d’après lesquels les Pythagoriciens se sont écartés des idées communes ; et quoiqu’il soit lui-même d’un sentiment contraire à celui de ces philosophes, il a du moins la bonne foi de nous informer des raisons qu’on lui peut opposer ; il est vrai que ces raisons ne sont pas bien décisives. Voici ce qu’il nous apprend, au chap. 13 du liv. 2 du Ciel.

« Il nous reste à dire en quel lieu se trouve la Terre ; si elle est un des corps immobiles, ou si elle est un de ceux qui ont quelque mouvement… A cet égard, les opinions sont partagées ; la plus répandue est que la Terre occupe le milieu. Cependant les Pythagoriciens y placent le feu ; ils disent que la Terre est un des astres uni circulent autour de ce milieu, et que par ses mouvemens elle se donne à elle-même le jour et la nuit. À l’opposite de notre Terre, ils en imaginent une autre, qu’ils appellent Antichthone. Ce ne sont point les phénomènes qui leur servent à établir leurs rapports, ni à rechercher les causes ; ils font au contraire violence aux phénomènes pour les rapprocher de leurs raisonnemens et de certaines opinions avec lesquels ils s’efforcent de les faire accorder. Plusieurs autres sont encore d’avis qu’il ne faut pas assigner à la Terre la place du milieu. Ce n’est pas non plus sur les phénomènes qu’ils se fondent, mais sur certains raisonnemens. Ils pensent que la place d’honneur doit être assignée au corps le plus honorable ; que le feu est plus noble et plus précieux que la Terre ; que les termes sont plus honorables que les

  1. Ὁ µὲν ὑποτιθέμενος, ὁδὲ Σέλευκος καὶ ἀποφαινόμενος. (Questions platoniques, p. 1850, édition de H. Étienne.)