Page:Delambre - Histoire de l'astronomie moderne, tome 1, 1821.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
viii
DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

sur ce point ; nous avions rapporté les opinions d’Aristarque, de Philolaüs, de Nicetas et d’Ecphantus. On verra que Copernic est bien éloigné de s’attribuer la première idée des mouvements de la Terre ; il se fortifie de tous les témoignages qu’il peut recueillir, il a grand soin de citer tous les anciens qui ont conjecturé ce qu’il se propose de démontrer. La seule question est de savoir quels secours Copernic a pu trouver chez les anciens, pour établir plus solidement une idée si paradoxale, quoique déjà si ancienne. Or, il nous paraît impossible de douter que Copernic a été réduit à tirer tout de son propre fond.

Les Grecs étaient grands métaphysiciens et grands discoureurs. Ils aimaient la dispute et l’argumentation. Leurs sectes étaient divisées sur tous les points. Il suffisait qu’une école professât une doctrine, pour que l’école voisine embrassât l’opinion contraire. Thalès disait que l’eau était le principe de tout ; Anaximène prétendait que c’était l’air. Les plus anciens d’entre les philosophes avaient dit sans doute que la Terre était immobile au centre du monde ; que le Soleil, par ses divers mouvements, nous donnait le jour, la nuit et les saisons. Ils s’étaient contentés d’expliquer par quel mécanisme tous les phénomènes observés pouvaient s’opérer. Quelques Pythagoriciens, pour se distinguer, placèrent le Soleil au centre et lancèrent la Terre dans l’écliptique ; nous venons de voir leurs raisons. Ils prétendaient que le Soleil était le plus noble de tous les corps. On pouvait leur opposer que l’homme est l’être le plus important, que tout a été créé pour lui, qu’il convient d’assurer la stabilité de sa demeure, et que c’est aux astres à tourner autour de lui pour le chauffer et l’éclairer. Ces raisons, sans être meilleures au fond, avaient du moins un plus grand air de vraisemblance. Mais quels motifs peut-on supposer aux Grecs pour rejeter le témoignage de leurs sens et affirmer l’immobilité du Soleil ? Avaient-ils observé un seul phénomène dont on ne pût rendre raison dans l’hypothèse de la Terre immobile ? Quand les astronomes eurent observé les stations et les rétrogradations des planètes, Apollonius avait donné les théorèmes nécessaires pour expliquer et calculer ces apparences singulières. Le mouvement du Soleil dans l’écliptique expliquait d’une manière bien simple la succession et le retour des saisons. La conversion du ciel en vingt-quatre heures expliquait tout aussi naturellement le jour et la nuit. Les Pythagoriciens eux-mêmes ne disaient-ils pas que les phénomènes se comprennent également bien, soit qu’on place la Terre au centre, ou qu’on la fasse mouvoir le long de l’écliptique ? Comment Séleucus aurait-il pu démontrer ce qu’Aristarque s’était