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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

sévérité que nous avons montrée ; mais cette sévérité a-t-elle surpassé celle de Pascal et celle de Gassendi, à l’apparition du livre des Principes ? Et la preuve que loin d’avoir été dominé par des impressions défavorables, nous avons recherché avec un soin tout particulier ce qui pouvait être loué sans blesser la vérité, c’est que nous avons fait valoir en l’honneur de Descartes une chose dont avant nous personne n’avait parlé ; une idée qui devait conduire un géomètre à la découverte de l’aberration, dont elle renferme toutes les règles. C’est ce principe, énoncé formellement par Descartes, qu’en vertu du mouvement de la lumière, jamais un astre ne nous paraîtrait occuper le lieu où il est réellement, mais celui qu’il occupait à l’instant où il nous a envoyé le rayon de lumière qui nous le fait apercevoir. Mais ce corollaire mathématique d’un fait qui est contraire à son système, il le présente comme une objection. Il avait décidé que la transmission de la lumière devait être instantanée, et il s’attache à prouver que nous voyons le Soleil et les planètes dans les lieux où elles sont en effet. Il invoque le témoignage de tous les astronomes ; aujourd’hui tous les astronomes déposent contre lui en faveur du principe qu’il a reconnu le premier, et qu’il a rejeté. N’avons-nous pas dit que ce peu de lignes de Descartes avaient pu guider Brudley, et que probablement et presque certainement elles avaient guidé Roëmer ? Est-ce montrer de la partialité contre un grand homme, que de tenter de l’associer à la découverte la plus brillante du dernier siècle ? Voyez tome V, pages 203 et 204.

Morin, qui vient après Descartes, est une espèce de fou, tout préoccupé des visions de l’Astrologie judiciaire, qui s’est rendu ridicule par des prédictions impudemment annoncées comme certaines, et démenties tout aussitôt par les évènemens. Sa réputation équivoque a pu prévenir défavorablement ses juges dans le débat sur les longitudes. Mais les torts les plus graves ne furent pas du côté de Morin ; il avait eu le bonheur de s’assurer le premier qu’on pouvait voir des étoiles en plein jour, et pour tirer le parti le plus brillant de sa remarque, il ne lui manqua que de savoir appliquer les lunettes aux instrumens qui servent à la mesure des angles. Il fit quelques pas vers cette application, et il abandonna ses recherches pour achever son grand traité d’Astrologie. Mais la collection de ses œuvres, à ce traité près, nous prouve qu’il n’était point un savant si méprisable.

Riccioli, qui lui succède, est un esprit plus sage, mais qui n’eut pas en toute sa vie une idée qui lui appartînt, ou qui méritât le moindre