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Comme tout le monde

courant de tout ce qui se passe dans les demeures de la sous-préfecture. Il lui semble posséder cette merveilleuse marmite du conte d’Andersen qu’on n’a qu’à faire tourner pour savoir ce que mangent à leur dîner toutes les personnes du pays. Isabelle ne sait pas ce que toutes ces personnes mangent, mais elle sait tout ce qu’elles font. La grosse Modeste est au courant des secrets qu’on cache dans chaque maison. Et voici qu’Isabelle, qui déteste les potins, s’en amuse à présent, parce qu’ils lui sont contés dans la langue grasse et salée de son pays.

Les propos de Modeste ont des raccourcis saisissants. Chacun de ses jugements est une caricature réussie. En trois mots, elle vous campe un personnage, avec une moqueuse et tranquille férocité.

En dépit de ces dons de psychologue, elle a toute la candeur du populaire. Elle raconte que le baron avait un perroquet. Ce perroquet, pour elle, devient une espèce de monsieur dangereux :

— C’est ça qu’est instruit, un perroquet, madame, et menteur ! Chaque fois qu’on parlait des patrons à la cuisine, il criait dans sa cage : « J’ vais l’ dire ! » Et c’est qu’il le disait, madame ! Il répétait tout à M. le baron. Et pis y n’ se gênait pas, au besoin, pour inventer !…