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Comme tout le monde

accroupie au fond, Linda, revenue au pays, elle aussi, comme répétitrice dans la pension de madame veuve Quetel, Linda est une vieille fille anglaise, old maid grisonnante, sèche et pauvre, aux longues dents, et dont le regard fade et pratique a tout oublié du passé. Une bande de petites misses contemporaines habite la maison, dont l’arrangement, du haut en bas, a été remanié. Il y a des Gladys, des Maud, des Mildred, des Muriel, et même une nouvelle Linda de dix ans, aux cheveux de soie blonde, aux jambes sèches sous une jupe très courte. Mais ces petites-là ne tressent plus des couronnes dans les prés. Elles font de la bicyclette. Leur goût anglo-saxon des fleurs se manifeste par de gros bouquets cueillis le long des chemins creux et rapportés fièrement, au soir, sur les modernes « guidons ».

Les nuits, Isabelle sanglote clandestinement dans son ancien lit de jeune fille. Non, son passé ne veut plus d’elle. Elle est revenue au pays, mais elle a le mal du pays…

Les critiques de sa mère, maintenant, la froissent. Elle regarde avec stupeur celle qui, si longtemps, fut sa maman et qui, maintenant, est une personne, dame vieillie au regard dur. Le changement n’est-il pas pire que la mort ? N’est-elle pas là comme une femme morte tout debout, la mère d’Isabelle,