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Comme tout le monde

tant de l’absence des trois enfants, était venu causer avec elle avant le dîner. Ils avaient parlé de madame veuve Quetel ; et, quoique étant par hasard d’accord sur ce sujet, ils s’étaient disputés pour finir.

Bouderie au dîner, coucher morose. Quand on est arrivé à un certain degré de maladie morale, il suffit de peu de chose pour provoquer les rechutes. Les jours qui suivirent, Isabelle découvrit en son fils aîné des motifs nouveaux d’exaspération.

L’adolescent avait un tic plus agaçant encore que celui de son père. Silencieux, toujours ramassé dans les coins de la pièce où se tenait Isabelle, le nez sur un éternel bouquin, il reniflait imperceptiblement. Et ce petit bruit qu’elle guettait avec une attention féroce mettait Isabelle hors d’elle.

N’avait-elle pas assez du premier Léon mordillant sa moustache depuis dix-huit ans ? Fallait-il que la présence du second Léon fût plus irritante encore ? Avec sa silhouette anticipée de parfait avoué, cet enfant avait déjà l’air d’un mari.

Les longues rancunes d’Isabelle remuaient dans son âme, comme une lie. Et, de toute la force de son être gavé de déception, d’ennui, d’agacement, elle se dressait tout à coup, comme mue par un ressort, au-dessus du bas qu’elle reprisait, et criait à travers la chambre :