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Comme tout le monde

d’abord calme, raisonnable. Mais, à mesure que l’obscurité descendit, l’exaltation reprit la petite femme.

Pleurer à chaudes larmes, c’est peu. La poitrine défoncée de sanglots, Isabelle se tordait les bras devant le cercueil. Ne restait-il donc de son fils, si vivant quelques jours avant, que cette longue boite aux angles durs sous le drap noir, cette boîte où tout le silence semblait enfermé ?

On voulut l’arracher de la chambre, on ne put. Elle refusa de descendre pour dîner. Maintenant elle commençait à gémir. Sa voix haute terrifia la maison.

C’était la dernière veillée, le dernier contact avec l’enfant mort. Le docteur Tisserand n’osa pas employer la force pour éloigner Isabelle. Il joignait en vain ses paroles à celles de Léon et de la grosse Modeste. Isabelle ne les entendait pas, ne les voyait pas. Les yeux dilatés, elle était en proie à cette souffrance contre nature des mères qui perdent leurs enfants. C’était son âme qui criait aujourd’hui, comme jadis avait crié sa chair, lorsqu’elle mettait au monde ce fils que la mort venait de lui reprendre. Et l’on sentait que tout devenait inutile devant ce désespoir où dominait l’instinct, puissance formidable, et qui, d’heure en heure, grandissait comme une mer qui monte.