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Page:Delarue-Madrus - Comme tout le monde.djvu/258

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Comme tout le monde

cence de la grand’messe a, comme une caresse, enveloppé la petite âme sanglotante. Il lui semblait découvrir pour la première fois les splendeurs du culte. Un rêve d’Extrême-Orient, plus beau que tous les contes de fées, vivait parmi cette musique orageuse, cette fumée odorante, ces longues cires allumées d’une étoile, ces fleurs, ces manteaux d’or, cette lumière de vitrail. Le luxe catholique ne fait-il pas, de la plus petite église provinciale, un palais inouï, refuge des pauvretés avides de richesse ? Les vulgarités de la vie s’oublient au seuil de la belle maison de pierre et de verre, au pied de l’autel, cœur précieux, séculaire et doré des villes grises.

Sans analyser cette poésie qui la prenait, Isabelle, ce jour-là, s’était agenouillée, la tête dans les mains, et son âme, depuis si longtemps recroquevillée, commençait à s’épanouir dans l’atmosphère sensuelle et mystique, comme une pauvre fleur piétinée remise pour un instant dans l’eau.

Mais comme elle pleurait déjà d’attendrissement, une main sèche l’avait touchée à l’épaule :

— Pardon, madame. C’est ma chaise !

Un visage bilieux de vieille fille venait de surgir, assassinant tout le rêve, symbole exact de ces revêches chrétiens pour qui la religion n’est pas un poème de tendresse et de beauté, mais