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Comme tout le monde

Elle leva ses gros yeux au ciel avec un soupir. Et soudain expansive, à la manière de ceux du peuple :

— Raoul est si coureur !… Tout c’ qu’il gagne va aux cotillons.

— Raoul ?… dit faiblement Isabelle.

— Raoul, oui… Mon mari.

Parmi les rides de la figure ridicule, une expression de rage concentrée passa.

— Il est plus jeune, voilà !… J’ai dix ans d’ pus qu’ lui, et pas d’enfants… C’est tout l’ malheur !… Pensez que, d’pis un mois, y courtise mamzelle Aupin, vous savez, la fille de l’épicier… C’te fille qu’ est pied-bot !… Mais je m’ vengerai d’eusses !… D’abord ça s’ra pas la première fois qu’y s’ra battu, Raoul !

Isabelle se taisait. Cette confidence baroque la faisait entrer à l’improviste dans un drame conjugal qui ne l’intéressait guère. Le flirt du fossoyeur avec la pied-bot et l’âpre jalousie de sa vieille compagne, tout cela lui importait vraiment peu. Elle n’était pas venue jusque-là pour entendre ces histoires, mais pour démêler son drame conjugal à elle. Hier, sur le point de faire quelque esclandre à la porte, elle s’était arrêtée à cause des conséquences possibles. « La situation de mon mari… Mes enfants… » Et puis elle n’était ni assez mé-