Page:Delarue-Madrus - Comme tout le monde.djvu/300

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
288
Comme tout le monde

plus long que sa mère, parce qu’elle était douée d’instincts différents, parce qu’elle était plus forte, peut-être moins honnête, — et qu’elle ne se laisserait pas faire par la vie.

Le lendemain, la visite eut lieu comme Zozo l’avait voulu. Restée timide, Isabelle rougissait parmi ses voiles de deuil. Outre l’émoi de voir « le jeune homme », elle éprouvait un plaisir vif à pénétrer dans l’intimité de ces Godin qu’elle avait, pendant des années, désiré connaître. Ne représentaient-ils pas, pour elle, le bonheur dans le mariage, ces gens sans enfants qui vivaient de musique et de peinture et pour qui l’art devait être un perpétuel renouvellement de l’amour ?

Une affabilité charmante l’accueillit dès le seuil. Madame Godin, grande et sèche, M. Godin, gros et court, elle pâle et lui rougeaud, s’empressèrent autour de madame Chardier, tandis que Zozo délibérément, entraînait dans un coin le jeune avocat tout ému de la revoir.

Isabelle vit le manège de sa fille et ne douta plus que le garçon — un joli garçon, un blond, — ne devînt un jour son gendre. Une atmosphère bienveillante et chaude l’enveloppait. Madame Godin lui fit voir quelques-unes de ses toiles. Elle les admira de tous ses yeux naïfs, inexpérimentés. Elle vit des portraits sages, des paysages dans le