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Comme tout le monde

en jouant et s’était écorché le genou. Mais comme personne n’était là pour la voir, elle n’avait pas pleuré. Maintenant seulement, contre la jupe de sa mère, son chagrin éclatait avec exagération, comme s’il n’y avait pas eu, réunis dans ce corridor rétréci, tant de gens qui parlaient ensemble, attendant tous des ordres de la pauvre Isabelle.

Isabelle, d’une main molle, repoussait sa fille. Elle ne la voyait même pas. Déjà, deux hommes apportaient, en suant et soufflant, quelque chose d’énorme, un buffet peut-être. Il y eut des piétinements, des heurts contre les murs, des paroles précipitées, puis une gifle. Zozo la reçut à la fin. Ses cris devinrent aigus. Les tympans douloureux, Isabelle, comme hors d’elle même, ne savait plus ce qu’elle disait.

Léon, dans son bureau tout installé, causait avec son premier clerc des choses de l’étude ; et tous deux s’animaient sur des sujets assommants auxquels une femme ne comprendrait rien.

Léon entend bien les rumeurs du corridor, mais ne s’en préoccupe pas. Il sait qu’Isabelle est là. « Elle se débrouille », pense-t-il. Le rôle de la femme, dans la maison, est de se débrouiller. C’est pour cela surtout qu’un homme se marie.

Cependant Isabelle, ahurie, sent des larmes monter à ses yeux. Mais elle reprend quelque ini-