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Page:Delarue-Madrus - Comme tout le monde.djvu/310

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Comme tout le monde

ment sa fille contre son mari. Les yeux roux reprirent leur férocité.

Zozo couchée, les deux époux s’installèrent en boudant près de la salamandre, allumée pour la première fois de l’année ; car, depuis le matin, un froid assez vif annonçait l’automne.

Léon prit son journal, Isabelle son bas et son aiguille à repriser. Guindés tous deux, évitant que leurs yeux se rencontrassent, ils restaient silencieux l’un en face de l’autre, les pieds au feu, affectant d’être très absorbés, l’un par sa lecture, l’autre par son raccommodage.

Au bout d’un moment, Léon mordilla sa moustache, signe de contrariété. Isabelle subit, jusqu’à en pâlir, l’agacement du tic familier.

Peu à peu, cependant, dans ce silence, dans cette hostile intimité, voici que la tête de la petite femme se mit à travailler. Isabelle essayait, ce soir, oui, elle essayait de réfléchir, de raisonner, de pardonner.

L’exemple des Godin l’avait trop vivement frappée pour qu’elle pût chasser de son esprit les choses qu’elle avait entendues et vues.

Pourquoi ces deux vieillards s’étaient-ils laissé voir à elle tels qu’ils étaient ? Sans doute ses yeux honnêtes appelaient les confidences des gens, quels qu’ils fussent…