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Comme tout le monde

joue avec sa poupée dans un coin. Elle fait la maîtresse d’école. Inlassable et monotone, elle répète tout haut, sans un moment d’interruption dans le rythme : « Un, deux, quatre, six ; un, deux, quatre, six… » et cela se mêle aux vocalises d’Isabelle agacée. Puis c’est Léon qui, tout en se mordillant la moustache, déplie ses journaux avec un bruit de papier plus exaspérant encore que les chiffres de Zozo. Isabelle essaie de ne pas entendre. Elle chante plus fort pour n’écouter qu’elle-même. Cependant Léon, également agacé par Zozo, dit de temps à autre :

— Tu devrais bien aller te coucher, Zozo !

Mais, comme Zozo ne sait pas se déshabiller toute seule, il faudrait nécessairement qu’Isabelle s’interrompît pour l’aller coucher. Elle fait semblant de ne pas entendre cette remarque. Sa voix amplifie les notes, comme pour un cri de protestation. Alors le bruit des papiers froissés augmente. Vraiment, on dirait que Léon le fait exprès et qu’il donne des coups de poing dans son journal…

Isabelle se retourne enfin :

— Mais quel bruit, Léon !…

— Et toi ?… se rebiffe Léon. Tu crois que c’est drôle d’entendre pendant une heure…

Hostile, il imite Isabelle : « Do, mi, sol, do… »

Isabelle s’est levée, toute droite et fâchée. Sans


3.