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Comme tout le monde

cavalier, et de recevoir son beau salut pressé. Certes, elle ne désirait pas autre chose.

Enfin elle apprit chez madame Chanduis que les Taranne Flossigny venaient de partir pour un voyage en Hongrie, et cette nouvelle acheva d’éteindre en elle l’illumination commencée.

L’enchantement n’avait pas duré plus d’un jour. Isabelle comprit que la destinée, décidément, lui refusait tout ce qui ressemble à du charme, et qu’elle devait se contenter du bonheur d’être épouse et mère dans une petite sous-préfecture de l’Île-de-France.

Au retour de ses monotones promenades, elle s’asseyait toute seule à son piano, et, dans le salon vide, protocolaire, tout blanc de housses, elle chantait éperdûment.

À ces moments, malgré sa modeste timidité, un instinct l’avertissait que sa voix était un don de beauté que lui avait fait la nature.

… Petite Isabelle, quand vous commencez quelque romance et que vos notes s’élèvent, aisées et pures, si hautes que toute la maison en est remplie, lorsqu’une grande exaltation vous soulève, comme vous aimeriez dédier à quelqu’un ce chant dans lequel vous mettez toute votre âme, ce chant, le meilleur de vous-même, ce chant qui s’exhale pour le vide, qui ne reçoit sa réponse dans aucun