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La Figure de proue


Vivent nous qui passons une fougère aux dents !
Plus besoin d’être doux, ni sages, ni prudents ;
Nous sommes seulement, toi le mien, moi la tienne.

Aimes-tu, galopant loin des foyers mesquins,
Ton petit compagnon des chemins africains
Où tour à tour l’orage et le beau temps s’embusquent ?

Moi, je m’aime d’avoir à jamais oublié
Ce qui me fit jadis ou souffrir ou plier,
Sentant enfin complète en moi mon âme brusque.

Je m’aime de n’avoir que ma tendresse au cœur,
Si forte, que, parfois, seule, elle me fait peur,
Dans la guerre inconnue et longue du voyage,

Et de vivre ainsi toute avec le même élan
Qu’un cavalier rué parmi les paysages,
Qui s’esclaffe, un éclat de lance dans le flanc !


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