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La Figure de proue


Ma maison est au cœur d’une noble avenue
Où d’anciens tilleuls font un jour sombre et clair.
Du fond de ma maison je pourrai voir la mer
Et la ville, écouter leur allée et venue.

Les corbeaux sur son toit chantaient dies iræ,
Les ronces l’étreignaient, on la disait hantée.
Pour qu’elle soit aussi par mon âme habitée,
Moi, fantôme vivant, je la restaurerai.

Des roses fleuriront le ciel, le long des rampes ;
Des soupirs et des ris de jeunesse et d’amour
S’entendront. Ce sera comme sur les estampes
De mon délicieux ancêtre Debucourt.

Les relents vigoureux qui montent des herbages
S’orneront d’un parfum de rose et de tilleul,
Et j’entendrai, bercée au fond de mon fauteuil,
Les bruits du port d’Honfleur qui parlent de voyages.

Or, je repartirai ! Mais que soit mon espoir
Fait de pâle soleil, de verdure étoilée ;
Je veux toujours chérir, le long de mon allée.
Après les jeux du jour, les tristesses du soir.


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