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Page:Delarue-Mardrus - Horizons, 1904.djvu/110

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— Mais moi j’ai dit : « Je veux rester encore un peu
» À l’étroit de mon corps païen, près de mon âtre.
» Car j’aime le luth courbe et l’amphore d’albâtre
» De ma forme, et mon front natté de petit dieu.

» Car j’aime mon esprit ivre de solitude,
» Tout le mal qui m’est fait, tout le mal que je fais,
» La joie et la douleur, le plaisir et l’étude,
» Et le Pour, et le Contre, et la Cause et l’Effet.

» J’aime… J’aime !… Je veux m’unir aux paysages.
» Je veux la nuit, je veux le vent, je veux la mer,
» Et baiser tour à tour sur leurs quatre visages
» Les exactes saisons au regard sombre ou clair.

» J’aime… J’aime !… Je veux la musique des lignes,
» L’océan des regards, tout le parfum, l’émoi
» Des soirs, et la douceur flexible autour de moi
» Des purs bras féminins pareils aux cous des cygnes.

» J’aime… J’aime !… Je veux à l’heure où meurt le jour,
» Sentir mon front brûler mes paumes insensées,
» Et, séraphiquement, nourrir dans ma pensée
» Pleine d’astres, l’effroi d’éternelles amours. »