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Page:Delarue-Mardrus - La mère et le fils,1925.djvu/116

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la mère et le fils

C’était fini, l’enfant sautait à terre. Elle allait faire son petit salut bête du côté des loges vides, quand une gifle de son père la fit trébucher. C’est ainsi qu’on corrige les faux pas au cirque, devant tout le monde, pour que cela soit plus humiliant.

Irénée la vit ensuite passer à côté de lui, se dirigeant vers la coulisse, encore toute haletante. Elle ne pleurait pas. Elle regardait seulement par terre. Il n’osa pas bouger de sa place. Il aurait voulu l’embrasser sur sa joue souffletée.

— Pendant qu’on y est, qu’est-ce qu’elle sait faire encore ?… demanda le régisseur.

— Rien d’autre toute seule, répondit Lénin. Elle a le double-jockey et le fil de fer avec sa sœur.

— Alors, allons-y !… Le double jockey !

La sœur, devant les rideaux, sautait déjà sur le nouveau cheval qu’on venait d’amener des écuries. Irénée, en voyant Marie sauter à son tour en croupe, se rendit compte que la présence de l’aînée la rassurait. Il respira mieux.

— Dites que chacun va répéter ce matin tout ce qu’il sait faire !… ordonnait Johny John. C’est demain que nous débutons.

Le double jockey, avec tremplin, galop debout et le reste, fut exécuté sans encombre. Marie n’était là presque que pour la figuration. « Elle n’a pas d’avenir… » avait dit sa sœur.

Cette dernière y mettait de l’entrain, étant regardée par la troupe réunie.

— Celle-là, dit tout à coup le Belge, venu s’asseoir à côté d’Irénée, celle-là on peut dire qu’elle est née dans la sciure. Mais l’autre !…

Il ne répondit pas. Au bout d’un instant, d’ailleurs, il fut, avec le Belge, appelé pour monter l’appareil du fil de fer, que les profanes appellent corde raide.

Germaine et Marie étaient allées retirer leurs bottes de jockeys pour mettre les chaussons qu’il fallait. La mère Lénin expliquait aux garçons comment serrer et desserrer le fil.

L’orchestre joua. Germaine, toujours brillante, fit ses pas aériens, équilibrés par la grande ombrelle japonaise qui est