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Page:Delarue-Mardrus - La mère et le fils,1925.djvu/151

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la mère et le fils

Et, comme s’il eût été chassé de ce lieu, la tête basse, il reprit sa route vers l’auto qui l’attendait à la porte.

Il faisait beau. Derrière le vert des arbres, il y avait déjà de l’or.

Il ouvrait la portière pour monter dans l’auto. Deux hautes ombres furent sur lui. Une main le prit au bras.

— Ah ! ah !… mon gaillard ! On te retrouve enfin ?

Ses oncles. Ils sortaient tout juste de leur château. Dans des faces de vieilles pommes ridées, ils avaient le beau nez des Charvelles, et leurs petits yeux noirs ; la teinture de leurs cheveux et de leurs moustaches les faisaient paraître plus jaunes encore. En grand deuil, hautains, maigres, perchés sur de grandes jambes, ils étaient démodés, racés, vaguement ridicules. Et leurs voix nasillardes, dénaturées par les dentiers, étaient celles de polichinelles distingués.

— Alors, il faut que ta mère meure pour que tu ressuscites ?… ricana Horace.

— Je voudrais bien savoir comment tu l’as su !… poursuivit Édouard.

Acculé contre la voiture, Irénée les regardait avec des prunelles démesurées.

Horace avança sa figure de mannequin et lui murmura, sifflant entre ses fausses dents, très bas, sans doute par crainte de quelque scandale :

— Où étais-tu, vaurien ?… Nous feras-tu le plaisir de nous le dire ?

Édouard, dans un geste identique :

— Tu reviens pour l’héritage, hein ! blanc-bec ?

Il les repoussa tous deux d’un seul large coup de coude.

— Puisque la fatalité veut que je vous rencontre, dit-il d’une voix fort haute, je veux bien m’expliquer avec vous une fois pour toutes. Allons ! Entrons chez vous, puisque nous sommes à la porte du château ! Vous, continua-t-il, avec une désinvolture magnifique, attendez-moi là, chauffeur ! Je n’en ai pas pour longtemps !

Escorté de leurs deux pas secs, il marchait plus vite qu’eux. De stupeur, ils ne disaient plus un mot, et le suivaient.