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Page:Delarue-Mardrus - La mère et le fils,1925.djvu/17

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la mère et le fils

Enfin c’est une très bonne place pour celui ou celle que vous enverrez, si par bonheur vous avez cela sous la main. Ci-joint leur adresse à Paris.

Je compte sur vous. Veuillez croire, chère amie, à la bien fidèle amitié de votre

Lucienne.

Il achevait de cacheter enfin, en la serrant très fort, l’unique enveloppe où les deux papiers étaient contenus.

— Par ici, s’il vous plaît !

Il suivit, son chapeau à la main, sans rien regarder, toute curiosité annihilée par le sentiment de son énorme audace. La dame était debout dans le salon, tailleur correct, coiffure banale et nette, une petite brune, boulotte mais distinguée tout de même, avec de jolis yeux dans un visage quelconque.

— Bonjour !… dit-elle évasivement.

Puis :

— Qu’est-ce qui vous envoie ?

Il achevait de s’approcher. Elle ne vit d’abord que ses yeux, deux grandes places bleues dans du bistre, ses yeux qui ne manquaient jamais leur effet. Au-dessus d’un front d’archange, il avait de brefs cheveux noirs qui ondoyaient dès la racine, emportés par un souffle de tempête. Le reste du visage, nez court et pommettes hautes, conservait intacte, malgré l’énergie des traits, la rose de l’enfance, une rose-thé. On devinait que ses joues sentaient bon. Il était très grand pour quinze ans.

Mme Maletier venait de retenir à temps son exclamation, et le petit fut heureux de se sentir rougir, parce que cela lui donnait l’air timide.

— Voilà !… dit-il en tendant le plus gauchement qu’il put son enveloppe.

Et, tout le temps qu’assez fébrile elle lut les deux papiers, il contempla fixement les fleurs du tapis. Il savait que c’était le grand moment, celui du capital battement de cœur. Cependant, il était irrité de se sentir si calme.