Et l’innocente se demandait si cette rencontre inattendue n’était pas un rendez-vous. « Sûrement, pensa-t-elle, celui qui s’appelle Villevieille est amoureux de ma belle-mère. J’ai vu comme il la regardait tout à l’heure. Et elle aussi lui faisait des yeux. »
— Ma belle-fille sort de pension, commença Mme Arnaud.
Négligente et vaniteuse, elle jeta :
— Elle vient de finir ses études à l’Institution Lami.
— Oh !… firent les deux jeunes gens d’un air pénétré.
On savait donc à Paris, dans le monde chic, ce qu’était l’institution Lami ?
— J’ai une cousine qui y a été élevée, dit M. de Villevieille. Mais ce n’était pas de votre temps, évidemment. Est-ce qu’on y joue toujours au tennis ?…
La conversation était engagée.
Il prononçait : très jeuli. Le mot : « peur panique » revenait sans cesse, ainsi que « sublime » et « monstrueux ».
Nouveautés pour Élysée, comme tout ce qu’elle venait de voir aujourd’hui.
Le jeune monsieur la regardait avec un sans-gêne qui eût pu passer pour de l’impertinence, n’eussent été l’extrême froideur de ses yeux, son attitude détachée. L’autre garçon causait avec Mme Arnaud. À un moment, sur le même ton précieux et indifférent, il mêla son mot à la conversation, qui roulait sur les sports.
— Vous montez au Bois, mademoiselle ?
— Pas encore !… se dépêcha de répondre Mme Arnaud, elle n’a pas eu le temps. Mais elle se rattrapera !
Et quelques paroles sur l’équitation, émaillées de termes techniques, effarèrent la petite novice.
Elle fut étonnée de voir régler l’addition par les deux jeunes gens.
— Nous vous jetterons où vous voudrez !… dit Mme Arnaud.
Et les deux montèrent dans l’auto, tout naturellement.
— Vous recevez toujours les mardis ?… demanda Villevieille.
— Je n’ai jamais cessé… répondit Octavie sans le regarder.