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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/144

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LE PAIN BLANC

Au bout d’une heure, enfin, le petit supplice se termina.

Après des recommandations, des encouragements, un baiser, la jeune sotte remit son chapeau, s’en alla.

En la reconduisant, Mlle Hachegarde trouva derrière la porte un gros d’autres élèves qui venaient pour le cours d’ensemble. Le petit salon fut envahi.

C’étaient des filles et des garçons de quinze à seize ans, visages quelconques, tenue simplette.

— Préparez-vous, dit Mlle Hachegarde, notre pianiste va arriver d’une minute à l’autre.

On sonna. C’était lui. Curieuse, Élysée regarda celui qu’elle remplacerait un jour, pauvre type osseux et râpé.

Personne ne s’étonnait de la voir là, n’avait l’air même de la remarquer.

Les violons s’accordaient. Il y avait aussi deux altos.

— Je vais chercher maman… dit Mlle Hachegarde.

Étant passée dans la pièce à côté, la jeune Arnaud la vit revenir avec une dame saisissante, cheveux tout blancs et fous, grand front biaisé de compositeur, prunelles grises où la pupille se dilatait étrangement, rides, traits tourmentés où se relevait une bouche malicieuse.

Petite et vive, proprement vêtue de noir, elle salua la compagnie par un rire, et courut chercher le violoncelle dans son angle.

Mlle Hachegarde battit une mesure avec son archet, et le petit orchestre commença de jouer.

Les élèves repartis après tout un brouhaha :

— Maintenant, dit Mlle Hachegarde, il faut que je vous quitte pour deux leçons en ville. Mais si cela ne vous ennuie pas de m’attendre, je serai bien aise de vous retrouver en rentrant.

Elle alla vers la violoncelliste qui rangeait son instrument, présenta :

— Ma mère… Je vais vous confier à elle pendant mon absence. Tu sais, maman, Mademoiselle est la fille du docteur Arnaud. Je t’ai déjà beaucoup parlé d’elle.

— Ah ! Ah !… dit la musicienne aux cheveux blancs, en faisant toutes sortes de petits saluts dansants.