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rédalga

Par une coupe de champagne, ils achevaient tous trois ce dîner, les fenêtres ouvertes sur un ciel orageux. La conversation entre le Portugais et Rédalga n’avait pas tari. Harlingues, heureux de la voir un peu animée, n’essayait pas de les interrompre pour se faire expliquer leurs propos. Alvaro finit par avoir pitié de son silence.

— Et toi, cher ?… demanda-t-il comme ils passaient au salon. Mrs Backeray me dit qu’elle est enchantée de tout, et que ma maison et mon parc sont ce qu’elle imaginait du Fairyland quand elle était enfant. Mais elle est poète ! Êtes-vous bien servis, voilà ce que je voudrais savoir.

Comme Harlingues se récriait :

— C’est que Léontine est un peu bavarde… Quant à Gilbert, c’est un bon jardinier quand il veut, mais il est plutôt soiffard de sa nature, j’en sais quelque chose par ce qui se passe dans ma cave !

Il regretta tout de suite ce qu’il avait dit, involontairement jeta les yeux sur Mrs Backeray, brossa sa manche, et continua :

— Et Flic ? Il paraît qu’il a été tout à fait galant.

Puis il parla longtemps de toutes sortes de choses et finit par aller au piano.

Pendant plus d’une heure il joua des airs portugais, plusieurs de sa composition. Son jeu féminin répandait des flots de charme et de nostalgie. Harlingues avait mis son front dans sa main avec cet air un peu malade des gens qui comprennent vraiment la musique. Rédalga fermait les yeux, renversée dans un fauteuil, et elle ne fumait pas, ce qui voulait beaucoup dire.

— Il est près de onze heures, déclara fort tranquillement