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C’était une raison pour faire poser Régalda sans le remords de la priver de la nature. Il en avait une autre : pour la coupable, cette réclusion constituait à la fois une surveillance étroite et une pénitence.

Elle savait trop bien que sa faute était découverte pour n’accepter pas d’être châtiée de cette façon qui valait peut-être mieux que les coups. Du reste, son expression concentrée et morne n’avait pas changé depuis l’autre soir, et ces séances de pose rappelaient singulièrement celles de Paris pendant les plus mauvais jours.

Privée même de liqueur de table, elle fumait sans arrêt. À quatre heures et demie, dans le garage même, elle acceptait son unique verre de porto, ses sages biscuits, sans aucune réclamation. Quel Carmel pour elle ! Harlingues en convenait secrètement, étonné, touché par sa résignation héroïque.

Quand revenait la nuit, comme dans certains contes bleus, le mentor et la fille punie se transformaient. Ils devenaient d’autres êtres, vivant une vie sans aucun rapport avec celle du plein jour. L’amant s’était plié vite à l’espèce d’hypocrisie de cette existence double. Il n’ignorait pas, en envahissant la chambre électrisée, qu’à l’instant cessaient entre eux les différences de race, de langage et de moralité. Une autre personne l’attendait, autre personne lui-même, dans l’alcôve nocturne. Et, jusqu’aux premières annonces du jour, c’était l’entente parfaite et l’accord harmonieux, trêve éminemment physique où leur âme n’avait pas d’autre rôle que d’être à l’unisson de l’animale et divine nature, hantée dans l’ombre par l’inquiétude amoureuse des bêtes.

Ainsi, privés de toutes les nuances qui forment l’ensemble de ce qu’on appelle le sentiment, se côtoyaient-ils de jour et s’étreignaient-ils de nuit sans pourtant que leurs esprits communiquassent autrement que ceux de deux prisonniers mitoyens, parvenus par des coups dans le mur à une sorte de langage embryonnaire leur apportant simplement cette assu-