Page:Delarue-Mardrus - Rédalga, 1931.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
193
rédalga

L’abbé Moutiers et le marquis de Fontagnes, deux charmants hommes, n’attendent que son projet pour lui donner définitivement la commande. L’enthousiasme d’Alvaro les a gagnés d’avance.

En Seine-et-Oise, le terrain se prête magnifiquement à cette Passion qu’il faudra tailler en plein granit. L’énergie du lutteur se réveille au fond de l’âme et dans les muscles de l’artiste. Le travail ne commencera qu’au printemps. À cette époque, il sera marié. Rédalga, près de lui, le regardera, muette et passionnée collaboratrice. Chaque coup donné dans le granit rythmera ceci : « C’est pour elle ! »

À l’épouse il rapporte, cette nuit, le butin formidable de sa journée. Son cœur bat d’un orgueil primitif, comme dut battre celui de l’homme des cavernes traînant sa plus belle chasse aux pieds de la compagne. Il ne pourra rien lui raconter, pourtant. Mais elle verra sa joie et son triomphe, dès le premier coup d’œil, au visage qu’il ramène de Paris.

Il grelottait un peu, malgré la couverture de fourrure. Dans un moment il sortirait du noir, du mauvais temps, du froid, pour retrouver le lit tiède où l’attendait l’amour. Une impatience heureuse le fit sourire dans l’ombre de la voiture. Cette journée sans Rédalga, ce retour dans la nuit ramassaient toutes les petites joies de leur amour en un seul bloc de tendresse. Et, comme si quelque chose eût, en lui, douté jusqu’à présent, il résuma d’un mot ce qu’il éprouvait :

— Oui, décidément, je fais bien de l’épouser !

Avec un clapotis de pneus dans des flaques, la voiture s’arrêta. Harlingues, d’avance, avait ouvert la portière.

— Inutile d’entrer !… dit-il au chauffeur. Je traverserai bien l’avenue à pied. Veuillez seulement klaxonner deux ou trois fois pour avertir que c’est moi. Merci. Tenez, mon ami ! Voilà pour vous.

Le chauffeur leva sa casquette et reprit son volant, Har-