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rédalga

elle partait très tard, il n’y aurait à compter que sur les voitures.

Si elle partait très tard, cela voudrait dire qu’elle n’aurait plus besoin de partir du tout…

L’imagination s’attarde, complaisante, jusqu’à ce qu’une petite idée comique et terrifiante vienne en travers du beau rêve.

« Oui… mais ma concierge n’admettra pas ça ! »

Dans la maison qu’il habite, on ne lui loue son logement qu’à l’année. Jamais, même en plein jour, il n’a eu l’audace de monter son escalier avec l’un de ses petits modèles, de peur de se faire renvoyer aussitôt.

« La vie n’est pas toujours commode… » Ce mot-là que tout le monde se répète pour des raisons différentes, et qui semble s’adresser à quelque harpie invisible…

Il comptait bien que Mrs Backeray, comme les autres jours, viendrait juste à deux heures : La fontaine était achevée. Il ne savait même pas pourquoi, ce matin, il allait à son atelier. Habitude invétérée, intoxication.

Au retour de son déjeuner dans le débit quotidien, l’après-midi commence mal.

Deux heures et demie… Mrs Backeray n’est pas encore là.

Sûr d’elle, après l’émouvante journée d’hier, il sourit à ce retard, tendrement. IT fait aujourd’hui si chaud ! La pauvre fille vient peut-être à pied. Sûrement elle vient à pied. Elle s’est endettée en achetant ces effets propres, et, maintenant, il faut économiser.

« Elle est encore plus pauvre que moi, somme toute, »

Nonchalant, d’une main presque désœuvrée, il flatte le groupe de la fontaine, pour se donner l’air de faire quelque chose.