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faible, ô misère ! Tout à fait habitué, maintenant, à la présence de Delphin, cet intègre petit témoin de ses écarts, il s’habituerait également à la froideur de sa fille, au contraste que faisait sa vie d’ivrogne avec la bonne tenue des siens.

Le manque d’argent recommençait au logis. Les repas se refirent insuffisants. Les souliers percés des gamins jetaient Ludivine dans des rages redoutables.

Et, vers le commencement de mai, l’aîné, Maurice, tomba malade,


✽ ✽

— Le docteur sort d’ici, dit la grêlée. Maurice a une pleurésie. J’ai donné les derniers cent sous qui m’restaient. Qui que tu comptes faire, à c’t’heure, mauvais père ?… Vas-tu continuer à boire ta gagne pendant que ton petit est en perdition ? Qui qui va payer les médecines ?…

Mais le pêcheur était saoul et répondit par des injures.


✽ ✽

Le lendemain, à l’aube, les deux marins étant en mer, sans avertir personne, Ludivine sortit.

Elle avait pris ses dispositions la veille. La pêche des moules sur le Ratier, qui s’ouvre au 1er  mai, recrutait en ville toutes les femmes de bonne volonté. On les embarque à vingt ou vingt-cinq dans un chalutier, et, sous la conduite du patron et du matelot, les voilà parties, à la marée descendante, pour le grand banc submergé qui ne se découvre tout entier qu’à mer basse. Elles doivent cueillir une quantité déterminée de moules pour gagner leur journée. Et quand la mer remonte la barque remmène au port les cueilleuses et le chargement.

Ludivine savait que ces expéditions féminines ne sont guère