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— Faut qu’on retourne à la criée avant d’manger, murmura-t-il, V’nez-vous, m’sieu Bucaille ?

Et, quand son père passa devant elle pour sortir avec le mousse Ludivine s’aperçut qu’il pleurait.


✽ ✽

— Y m’a dit comme ça : « Écoute, mon p’tit gas ! Puisque tu fais à bord le travail d’un matelot, auras tous les jours le tiers de la pêche, comme ça s’doit. T’es d’la famille, à présent. Si le cœur te pousse, tu remettras c’t’argent-là à la femme et à Ludivine pour payer la vie. Et quand t’auras besoin d’une paire de sabots, c’est eusses qui te donneront c’qu’il faut pour. »

Delphin souriait, comme illuminé. Ludivine et sa mère, assises, leurs visages levés vers lui, l’écoutaient, bouche bée.

Il était rentré tout essoufflé de mer pour leur apporter la nouvelle et l’argent. La scène de la veille avait porté ses fruits. Le pêcheur usait de ce moyen détourné pour rentrer à peu près dans le devoir. La part du patron et la part du bateau lui restaient pour boire. Il ne renonçait pas à son vice, sachant bien qu’il était trop faible ; mais du moins sa famille ne serait-elle plus dans la misère.

Un soupir immense délivrait les poitrines. La femme Bucaille pleura, Ludivine rit.

Elles commençaient à peine à commenter que, pour leur étonnement, le pêcheur rentra.

— Bonsoir, papa !… dit joyeusement Ludivine en courant à lui.

Il l’embrassa, mais sans la regarder.

— Comment va Maurice ?… s’informa-t-il, les yeux au sol.

— Y n’va pas pire, Dieu merci ! répondit la mère. L’médecin revient demain matin. Son frère est près de son lit, qui l’garde.

Personne ne disait un seul mot de ce qui venait d’arriver. Le pê-