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Les cailloux sifflaient, en même temps, du côté des fenêtres à petits carreaux verdâtres. Et tout cela ne se terminait franchement qu’après plusieurs nouvelles apparitions de Mme Le Herpe, menaces furibondes et poursuites armées.

Alors la nuit enfin tombée forçait chacun à rentrer chez soi.

Mme Le Herpe avait dit qu’elle se plaindrait à la police, suprême grief de la famille Bucaille.

La grêlée avait d’abord distribué quelques gifles, disant que c’était bien fait, et qu’elle souhaitait voir ses enfants en prison. Puis, entre deux alcools, le père ayant déclaré qu’il se vengerait et qu’on voulait le déshonorer :

— Appréhende pas !… s’était écriée pour finir la mère de Ludivine. Tu sais bien qu’la police d’ici, c’est des gambes de laine ! Moi qui n’es qu’une femme, je culbuterais bien l’médaillé !

De sorte que, peu à peu, les menaces de Mme Le Herpe firent partie des événements de la quinzaine, avec bien d’autres monotonies.

Quand Ludivine se fut rendu compte que personne, ce soir, ne voulait sortir de la maison, elle donna le signal du lancement des pierres dans les carreaux.

Ce geste étant un des plaisirs favoris des enfants pirates, ils se mirent, avec une rage joyeuse, à lapider, menés à l’assaut par leur reine de mer en guenilles.

Certes, ce n’était pas facile, à travers la grille et parmi l’enchevêtrement du bout de jardin, d’attraper les vitres de la fenêtre basse. Les assaillants, d’ailleurs, comptaient bien ne rien casser, par peur des responsabilités.

Une pierre mieux lancée, pourtant, alla donner si juste dans le verre qu’une étoile y parut du coup.

Un cri de triomphe suivit, mêlé d’un cri de terreur ; car la porte de la maison s’ouvrait, brusque, livrant passage au bondissement,