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de cueillir pour le regarder. Un rire furibond la secouait. Elle avait appliqué ses paumes envasées à ses hanches, éprouvant du Plaisir à salir cette belle robe neuve qu’il lui avait donnée, elle qui, sur ce Ratier de ses rêves, s’était vue d’avance, dans ses pauvres vêtements de jadis, cachée dans un trou de roche, son Delphin en vareuse la serrant sur sa poitrine.

— Allons plus loin ! répéta-t-elle pour la troisième fois.

Ils étaient maintenant de l’autre côté du dos d’âne, et comme abandonnés sur une île déserte. Plus de cueilleurs en vue, plus de barque au large.

— Il est reparti, c’te fois ! songeait Ludivine avec des larmes de rage au coin des paupières.

— Eh ! ben !… Qui qu’vous faites ?… Est pas de s’reposer, est d’se presser, au contraire !

Lauderin, le sang à la tête, leva vers le ciel ses yeux misérables.

— Le vent change… Il me semble qu’il y a des nuages !… dit-il. Si nous rentrions ?

— Des nuages ?… Ça vous fait peû ?… Allons ! Allons !… Travaillez !

Elle claquait des doigts, dompteuse qui fait sauter sa bête dans le cerceau de papier. Les marins, détournés, aimaient mieux ne plus regarder.

Quand le panier fut presque plein :

— Vous croyez que ça ne suffit pas ?…

— Bien sûr que non !… s’emporta-t-elle.

Et chaque fois que, les reins brisés, le malheureux se redressait :

— Encore !… Encore !… ordonnait la petite.

Il y avait une demi-heure que le jeu durait.

— J’crois qu’on f’rait bien d’rentrer !… remarqua le père La Limande. V’là l’vent qui s’lève sérieusement. Pourrait bien être