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tricotée, cet autre aux yeux de jade, qui secoue fièrement ses grandes boucles d’oreilles d’or, ce gros en jersey collant, ce maigre à lunettes, ce petit boiteux, tous les surnoms des quais et toutes les barques des bassins représentés, et la femme portefaix qui bat les hommes, et les jeunes femmes matelots qui pêchent en culottes, et les poissardes hardies, tous émus et souriant derrière la mariée en modeste robe noire et fleurs d’oranger, et le marié en vareuse bleue toute neuve.

En suivant, ils racontaient l’histoire ; et les commères hochaient la tête.

— Il a quitté l’pays, Lauderin ! Son café est vendu !

— Y paraît qu’la Ludivine fut l’trouver à son lit d’malade pour y d’mander qui qu’y comptait faire pour l’gas Delphin qui l’avait tiré d’mort.

— Est-y vrai qu’il a voulu la chasser, qu’y la prenait pour eune dame blanche ?

— Est vrai ! Que même la Ludivine l’a menacé d’la honte en ville s’y n’savait pas r’connaître le bienfait du’tit mat’lot.

— On m’a dit qu’il avait r’mis les dettes du père !

— Parfait ! Y les a r’mises ! Et même il a donné par écrit d’notaire la barque qu’on travaille au chantier, portant nom Belle-Ludivine.

— Est avec ça qu’y vont gagner l’pain du ménage !

— Un gentil ménage que ça s’ra, et qu’aura bien gâgné s’n’amour !

Cependant, penché vers la petite bien-aimée, Delphin murmurait, caressé par ses yeux si clairs, plus beaux encore d’être amoureux :

— Est maint’nant qu’j’allons à la côte, comme j’ai promis dans la tempête, porter à Notre-Dame-de-Grâce l’ex-voto qu’j’ai fini hier…