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Sa nuque se renversa. Entre la mère et la fille serrées contre lui, cherchant un nid pour sa tête, les mains accrochées à leurs robes, il ferma ses yeux qui pleuraient encore. Et, pendant le temps qu’elles le bercèrent, les lèvres du petit garçon ne cessèrent de murmurer, comme s’il ne pouvait pas dire autre chose pour exprimer l’ineffable :

— Oui !… Oui !… Oh ! oui !… oui !…

Il était parti tout courant, suivi, jusqu’à la fin du « maudit bout », par le regard des deux, restées sur le seuil, regard qui l'aimait déjà comme seulement on peut aimer quelqu’un à qui l’on vient de tout donner.

Il avait été convenu qu’il irait annoncer à l’hospice que ses voisins le prenaient chez eux, et qu’il renonçait à l’orphelinat. Il devait revenir à midi, pour prendre son premier repas avec les nouveaux siens.

Par ailleurs, la mère Bucaille se mit en demeure d’aller, par déférence, avertir M. le curé.

— Mets ton beau fichu sur ta tête… ordonna Ludivine, et dépêche-toi. Faut que tu sois rentrée en temps pour faire le fricot !

— Et si ton père arrive avant moi ?… demanda l’autre, heureuse.

— T’occupe point d’cha ! Est moi qui vais l’prévenir…

Et la femme Bucaille partit, confiante en son entreprenante fille.

Sitôt, celle-ci refit sa natte, se lava la figure et les mains, brossa sa robe, passa le manteau propre encore qu’elle mettait parfois le dimanche, et, se sentant presque aussi reluisante que sa maison, elle sortit à son tour, sachant fort bien où elle allait.

Ce ne fut pas en flânant, comme à son ordinaire, qu’elle prit le chemin du port. Le menton en avant, déterminée, elle avançait, les sourcils froncés par ses préoccupations.

Son ardeur combative de petite corsaire avait maintenant de quoi vivre, certes ! Elle portait désormais toute sa maisonnée sur le dos. Il ne lui restait plus une minute pour traîner dans les rues, marauder dans les champs ou jouer sous la jetée. Sa horde, à pré-